Et si on prenait des nouvelles de Jo’ ?
Ben, Jo va bien.
Elle mange, elle dort et elle fait tous ces trucs glamours qui provoquent un « ooooh » stupide attendri de la part des adultes… : caca/pipi/prout/vomi/rot.
Et puis Jo est plutôt sympa. Elle est relativement calme. Elle fait des sourires à son Papa quand il part le matin pour rejoindre sa galère à ramer toute la journée…
Le truc qui te déchire direct le cœur ou comment passer du paradis à l’enfer en 30 minutes chrono.
Seulement, parfois, Jo’ est relou.
Elle chouine, grogne, se tortille…
Et là, il faut bien avouer que de ramer toute la journée dans une galère avec des cons, ça ne rend pas particulièrement patient.
Du coup, les cris de bébé après les vociférations de ton patron… ben c’est moyen pour ton équilibre mental.
C’est un coup à finir à Ste Anne, en position du fœtus dans un coin de la pièce à répéter sans cesse : « mais arrêtez de me gueuler dessus, mais arrêter de me gueuler dessus, mais arrêtez de me gueuler dessus… »
Un jour, la pharmacienne s’était attendrie sur Jo’ pendant 20 minutes malgré les regards furibonds des mamies pressées d’acheter leurs crèmes pour hémorroïdes, et elle nous avait offert plein de cadeaux… des biberons bioniques, des crèmes et… une tétine.
Dans ma famille, la tétine fait l’objet d’une réprobation générale.
Entre une tétine et un gode géant de trois mètres de long avec un moteur de marteau piqueur intégré, je ne sais quel serait l’objet le plus tabou… c’est dire.
En gros, les tétines, c’est bon pour les Kevin et les Jenifer.
Et c’est vrai que cette espèce de muselière pour enfants ne donne pas à ton bambin un air particulièrement éveillé/précoce/beau/intelligent…
Ceci dit, moi, j’avoue que secrètement, je commençais à me poser des questions sur ce tabou familial…
Disons qu’une tétine je trouvais que ça pouvait drôlement bien clouer le bec dans certains cas.
Je commence donc à en parler à The Other Person qui hallucine que je puisse rompre un tabou également partagé dans sa famille.
Il y avait donc cette tétine… toujours dans son emballage… posée dans un coin de la chambre…
Et puis un jour, The Other Person part pour l’après-midi… Je m’occupe de Jo’, tout se passe bien jusqu’aux fameuses Happy Hours version Jo’… c’est à dire que de 18 à 20 heures, Jo’ est relou… Elle paye sa tournée de ouin ouin…
Rien n’y fait, j’ai beau ressortir tous les plus grands tubes de la compagnie créole, Annie Cordy et la Bande à Basile, Jo’ me fait une crise d’angoisse.
Bien sur, je pense à la tétine… sorte de roue de secours géante posée à 3 mètres de moi mais que des siècles de réprobation familiale m’empêchent de saisir… je pense à cette pharmacienne machiavélique qui va foutre en l’air mon couple et l’éducation de mon enfant… je pense à ces Kevin de 5 ans que je vois ramasser leur tétine dans les allées sales d’un supermarché… je pense à ma santé mentale : que je ne vais pas supporter longtemps que tout le monde me gueule dessus… femme, patron, bébé…
Je décide donc d’opter pour la fourberie. Je vais décoller le fond de l’emballage tétinesque pour pouvoir la replacer dedans dès mon forfait accompli.
Je file L E M A L dans la bouche de Jo’ qui tête le truc du genre que c’est du caviar béluga et elle s’endort au bout de 30 SECONDES.
Démonstration est faite : une tétine, c’est trop de la balle.
Les jours passent et je sors régulièrement la tétine en cas d’urgence.
Et puis, un jour de Happy Hours particulièrement corsées. Un truc version exorciste avec du vomi vert et des yeux exorbités, je décide d’avouer ma technique à The Other Person.
Il faudra quelques jours et plusieurs Happy Hours corsées pour que The Other Person accepte de tenter l’expérience.
Le problème, c’est qu’une fois que tu y as gouté, tu ne peux plus t’en passer.
Nous avons donc utilisé cet objet défendu dans des cas d’urgence, en en parlant tout bas tellement la honte nous terrassait.
Limite on ne prononçait pas le nom.
Et puis, un beau jour, rendez-vous sur skype avec ma sœur et sa tribu (qui a accessoirement élevé 4 enfants sans une seule tétine), on rigole tout ça et puis je décide de montrer la belle Jo’ qui dort dans son berceau… J’avance la webcam au-dessus du petit Jésus local.. et là, j’entends toute ma famille :
« HAAAAAAAAAAAAAANNNNNNNNNNN, mais elle a quoi dans la bouche???? !!!!!!!!!!!! »