La semaine dernière, mon ordinateur est tombé en panne.
Il n'a pas prévenu, du jour au lendemain, il a décidé de faire la gueule, faire le mort enfin bref, il n'y a plus d'étincelle dans son petit cœur électronique drôlement con.
Avant, quand ça arrivait, je mettais l'ordinateur à la benne en maudissant sur 10 générations les Bill Gates et autres inventeurs de ces diableries dont on ne peut plus se passer...
Plutôt que de me battre des heures et dépenser mon salaire avec une hotline pourrie où un sénégalais te lit consciencieusement les procédures que tu as déjà tentées quatre fois... j'ai décidé de me rendre dans un magasin de service informatique.
En entrant, j'ai tout de suite compris que ça me prendrait autant de temps qu'avec les sénégalais qui s'appellent tous et toujours Michel DUBOIS quand ils se présentent.
Devant moi, une Madame d'un certain âge, toute bourgeoise de sa personne écoutait sagement le réparateur.
Celui-ci servait à la pauvre Dame une bouillie technique totalement incompréhensible.
Au bout de cinq minutes, la Madame le coupe et lâche un timide :
"Et, ça va remarcher?"
"Ce n'est pas aussi simple que ça chère Madame, laissez-moi vous expliquer..."
Et là, c'était reparti pour quinze minutes d'explication par le technicos complètement technique de l'explication.
La Madame avait les yeux dans le vague. Elle commençait à voir sa vie défiler tout ça... par moment, elle me jetait des petits regards de bichette aux petits oignons aux abois... ça faisait genre "sortez-moi de là je pane que dalle!"
Et puis au bout des quinze minutes d'explications fumeuses, le technicien a fini par lui dire qu'en deux jours et avec 50 €, elle pourrait retrouver son ordinateur en état de fonctionner.
C'est tout ce qu'elle voulait savoir, merci au revoir.
Après, j'ai eu droit à un indien, propriétaire du restaurant d'à côté dont l'ordinateur ne marchait pas.
Vas-y que le technicien te démonte la bête et puis soudain.
"Oh putain!!!" qu'il dit l'air super énervé...
A ce moment, il commence à fourrer son nez dans l'unité centrale en reniflant comme un vieux berger allemand des années 80 (vous savez, celui avec le bandana autour du cou et qui s'appelle Rex) à la recherche de substances illicites.
"Putain, mais c'est que ça pue l'encens ce truc là!"
L'indien, il n'en menait pas trop large, il regardait ses pieds comme si on avait découvert un vieux truc honteux sur lui... genre qu'il dealait des nans au fromage hallucinogène...
"Je vous avait dit d'arrêter l'encens, pourtant! Vous n'avez pas écouté!" qu'il lance le technicien super agacé...
L'indien se la jouait profil bas style "Vas-y! Humilie moi mais abrège le truc!..."
Seulement le technicos était super bavard et il a commencé à s'échiner à expliquer le pourquoi du comment l'ordinateur du restaurateur indien ne fonctionnait pas.
"Combien de fois faut-il que je vous le dise, l'encens est un corps GRAS!" qu'il dit au nez de l'indien qui physiquement est du genre soufflé comme un nan au fromage...
"Du coup, comme c'est GRAS, ça bouche la ventilation de la machine et ça ne marche plus du tout!".
"Ah bon, pourtant je l'avais mis loin de l'encens cette fois" qu'il maugrée le malheureux indien...
Manifestement l'indien ne respectait pas la règle à tenir avec ce genre de personne bavarde et dominatrice : il ne faut jamais contester. Sinon, ça dure trois plombes et en plus tu te fais humilier. En fait, c'est un peu comme à l'école...
Le technicien prend donc le malheureux restaurateur par l'épaule puis lui fait pencher le cou pour lui fourrer le nez dans l'ordinateur...
On est une bonne dizaine de clients à assister au spectacle...
"Oh, vous savez moi je ne le sens plus l'encens..." qu'il dit l'indien une fois le reniflage forcé effectué...
"Bon, va falloir arrêter l'encens, ce n'est pas possible ça! Regardez, votre machine est toute encrassée!". En même temps, il passait son doigt dans l'intérieur de la machine et montrait à l'assistance médusée et dégoutée son pouce noirci par l'encens...
Un truc à te couper définitivement l'envie d'aller manger chez l'indien...
Puis mon tour est venu...
"C'est pour quoi?" qu'il me dit...
Je lui explique le problème qui se résume assez vite puisque mon ordinateur s'amuse juste à faire le mort...
Il commence alors son monologue insupportable...
"Alors si c'est une erreur de niveau 1, ça ira, vous en aurez pour 50 €... en revanche, si c'est une erreur de niveau 2 ou 3, il faut une chambre blanche, et moi je ne suis pas équipé, donc je vous propose de faire un test rapide, parce que si c'est plus grave que ce que je pense blablablabla...."
Moi, je n'écoutais plus, j'étais en mode pilote automatique. Celui où j'alterne les "ah bah ouais...", avec les "mmhh" et les "bien sur..."
Mon esprit vagabondais... je maudissais les gens comme ce technicien bavard et soucieux de montrer son savoir de technicos à deux roubles... j'avais rencontré des médecins comme ça... des vétérinaires... des agents immobiliers... des profs...
Des gens cantonnés à leur petit domaine d'expertise et qui ont la hauteur de vue d'un tabouret... des gens qui se sentent obligés de te décrire TOUS les scénarios possibles (surtout les pires, ça les excite!) alors que tu veux juste que les choses aillent vite et soient bien faites... des gens qui ne se mettent JAMAIS à la place des novices et qui se font une fierté de maîtriser un langage hermétique...
Des gros cons quoi!
Puis, j'observais la faune du magasin... à la caisse, le gros geek boutonneux à moitié introverti... dans la queue, du jeune à mèche le portable sous le bras qui transpire à l'idée de perdre définitivement ses vidéos pornos durement téléchargés sur son disque dur... la mère de famille pas du tout à l'aise avec la chose informatique, victime de son ordinateur et qui tremble à l'idée de ne rien comprendre aux explications du technicos... le Papi super branché qui vient là tous les deux jours pour poser ses questions au technicos qui se plait à jouer au prof avec un retraité...
Et c'est là que j'ai eu une révélation, la boutique informatique, c'est la Droguerie du XXIème siècle...
Vous souvenez vous des drogueries ? Ces magasins avec des vendeurs moustachus habillés en blouse bleue... ces magasins où régnaient une douce odeur de caoutchouc... ces magasins où on se refilait les astuces de Grand-mère à base de vinaigre blanc et de savon de Marseille... ces magasins où le Pratique était élevé au rang de religion! Ces magasins où on trouvait du plastique coloré sous toutes ses formes : des gants en plastique rose, des paniers à linge en plastique bleu, des pinces à linge en plastique vert, des bassines en plastique mauve...
Dans ce magasin, tout le quartier se croisait, les gens se parlaient, c'était LE magasin de proximité drôlement pratique qui résolvait tout tes problèmes les plus quotidiens...
Et puis, ça intriguait les enfants... droguerie... droguiste... drogue, quoi!
Moi, je pensais que le Monsieur moustachu avec sa blouse bleue c'était le dealer de coke du quartier! Ca lui donnait un côté super obscur qui me fascinait! En fait, le seul truc qu'il dealait c'était des boules anti-mites...
Aujourd'hui, les drogueries ont fermé. (Sauf une! Mais ça on en parlera dans un prochain billet)...
Et le nouveau magasin de proximité du XXIème siècle, c'est celui du réparateur informatique.
"Alors, vous me le laissez?" qu'il me sort le technicien
"Euh oui..." que je bafouille encore à fond dans ma métaphore de droguiste
Il m'a gardé le pauvre ordinateur qui a du avoir une migraine drôlement migraineuse rapport aux heures qu'il a du passer à écouter le technicos déblatérer...
Enfin, l'essentiel, c'est qu'il remarche!